Le Pouvoir Rend-il Égocentrique ? Une Réflexion sur la Psychologie des Dirigeants

Il y a quelque chose d’étrange dans le comportement de certaines figures de pouvoir. Quand on observe Elon Musk ou Donald Trump, il est frappant de voir à quel point ils se comportent parfois comme des enfants capricieux. Impulsivité, besoin d’attention constant, rejet des critiques, refus des limites… Ces traits ne sont pas seulement des excentricités de milliardaires ou de politiciens ; ils semblent révéler un phénomène bien plus profond : le pouvoir tend-il à figer les individus dans une posture égocentrique et immature ?

Cette question m’a longtemps intriguée. Pourquoi certains leaders, qui ont su bâtir des empires ou accéder aux plus hautes fonctions, semblent-ils parfois agir avec le niveau de maturité émotionnelle d’un enfant de huit ans ? Ce constat m’a amenée à creuser les effets psychologiques du pouvoir et à tenter de comprendre ce qu’il change dans le fonctionnement mental.

Le Pouvoir Comme Amplificateur de Traits Comportementaux

Le pouvoir est souvent présenté comme un révélateur de la véritable nature des individus. "Donne du pouvoir à quelqu’un, et tu verras qui il est vraiment", dit l’adage. Mais est-ce si simple ? Ce que l’on observe dans de nombreux cas, ce n’est pas juste une révélation, mais une transformation.

Lorsqu’un individu acquiert du pouvoir, il se retrouve dans une position où les limites imposées par la société disparaissent peu à peu : plus personne n’ose le contredire, il est entouré de personnes qui valident ses décisions, et il peut imposer sa volonté à grande échelle. Dans ces conditions, les comportements qui, chez un enfant, seraient immédiatement recadrés par des parents ou des éducateurs, se retrouvent au contraire renforcés chez l’adulte puissant.

L’impulsivité devient de l’audace.
Le rejet des critiques devient une marque de charisme.
Le manque d’écoute devient une "vision" ou un "instinct".

Et surtout, plus personne ne vient poser de limites.

Dans une telle dynamique, il est facile d’imaginer que certains adultes puissants régressent vers un mode de fonctionnement plus archaïque, centré sur l’obtention immédiate de satisfaction et la domination de l’environnement. Ils sont comme des enfants rois, sauf qu’ils disposent des moyens de leurs ambitions.

Le Paradoxe du Pouvoir : Pourquoi Perd-on Ce Qui Nous a Mené au Sommet ?

Cette réflexion m’a amenée à identifier ce que j’appellerais un "paradoxe du pouvoir" : les qualités qui permettent d’accéder au pouvoir ne sont pas celles qui permettent de le conserver sainement.

Prenons l’exemple de nombreux entrepreneurs et leaders politiques :

  1. Pour monter en puissance, ils ont souvent eu besoin de qualités relationnelles, d’une intelligence stratégique, d’une capacité à lire les autres et à les influencer.
  2. Une fois en position dominante, ils se retrouvent dans une bulle où ils ne sont plus confrontés aux mêmes contraintes. Ceux qui auraient pu les remettre en question ont été évincés, et les flatteries remplacent les critiques constructives.
  3. Ils finissent par perdre leur capacité d’adaptation et d’écoute, devenant de plus en plus déconnectés de la réalité du monde et des autres.

C’est ainsi que certains dirigeants en viennent à prendre des décisions absurdes, persuadés de leur infaillibilité. Dans l’histoire, beaucoup de leaders politiques et économiques sont tombés dans cette spirale : leur intuition, autrefois précieuse, devient un dogme inattaquable.

On retrouve alors des comportements similaires à ceux d’un enfant qui n’a jamais été contredit et qui, face au premier obstacle sérieux, réagit par la colère, la fuite ou l’accusation des autres.

Ce Que J’ai Trouvé en Creusant Cette Réflexion

En approfondissant cette idée, j’ai découvert les travaux du psychologue Dacher Keltner, qui a justement étudié cette transformation que le pouvoir opère sur le cerveau humain. Il parle d’un véritable "paradoxe du pouvoir" : les individus qui obtiennent du pouvoir grâce à leur intelligence sociale et leur empathie finissent souvent par perdre ces mêmes qualités une fois qu’ils l’ont atteint.

Ses recherches montrent que le pouvoir modifie notre perception des autres, réduisant notre capacité à ressentir de l’empathie et à nous mettre à leur place. Ce n’est pas une question de personnalité ou de "mauvais caractère" : c’est un effet neurobiologique. Les circuits du cerveau liés à l’attention et à l’empathie s’éteignent progressivement chez ceux qui occupent une position dominante trop longtemps.

En d’autres termes, le pouvoir altère la manière dont nous interagissons avec autrui, nous rendant plus égocentriques et moins conscients des conséquences de nos actions.

Ses recherches confirment ainsi ce que j’avais observé de manière intuitive : le pouvoir n’est pas qu’un amplificateur de personnalité, c’est aussi un facteur de transformation cognitive et émotionnelle.

Peut-on Éviter ce Piège ?

Si l’on suit cette logique, comment un leader peut-il éviter cette dérive ?

Certains y parviennent en maintenant des mécanismes de remise en question :

  • En s’entourant de personnes capables de dire non.
  • En cultivant une introspection régulière.
  • En évitant de s’isoler dans un monde où ils sont les seuls à avoir raison.

Ce que je retiens surtout de cette réflexion et des travaux de Dacher Keltner, c’est que le pouvoir doit être exercé avec une conscience aiguë de ses effets psychologiques. Il ne suffit pas d’être compétent ou charismatique pour être un bon leader à long terme : il faut aussi savoir se protéger de soi-même, sous peine de tomber dans une boucle d’autosatisfaction et d’aveuglement.

Pour ceux qui veulent creuser ce sujet, je vous recommande vivement de vous intéresser aux recherches de Dacher Keltner. Ses travaux apportent une base scientifique à cette intuition que j’avais : le pouvoir transforme notre manière de penser et d’agir, et ce n’est pas un simple effet de "mauvaise personnalité", mais une mécanique humaine bien documentée.

Si nous voulons des dirigeants plus équilibrés et conscients des responsabilités qu’ils portent, il est essentiel de mieux comprendre comment le pouvoir altère nos perceptions, et surtout, comment y résister.

Référence :
Dacher Keltner, The Power Paradox: How We Gain and Lose Influence (2016)
Pour en savoir plus : Greater Good Science Center

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